L’ Utilisation de données dans le programme visant à mettre fin à l’itinérance à Calgary
Par: Nick Falvo, PhD
Le 9 mars, j’ai fait une présentation sur l’itinérance adressée aux étudiants du séminaire d’études supérieures de Madame Susan Phillips à l’Université Carleton. Ceci est un cours obligatoire du programme de Master of Philanthropy and Non-Profit Leadership, et l’un des principaux thèmes du programme est que les organisations à but non lucratif sont confrontées à de fortes attentes pour démontrer leur efficacité. Ainsi, les futurs dirigeants du secteur devront être, à cet égard, à la fois informés et compétents.
On m’a demandé de parler du thème ci-dessus en tant que directeur de la recherche et des données à la Calgary Homeless Foundation (CHF). A ce titre, voici 10 choses qu’à mon avis les futurs dirigeants d’organismes à but non lucratif devraient savoir.
- En 2008, Calgary est devenue la première ville au Canada à lancer un « plan visant à mettre fin à l’itinérance ». Le plan de Calgary a été basé sur un modèle utilisé dans plus de 300 communautés aux États-Unis. Aujourd’hui, plus d’une douzaine de villes canadiennes ont un tel plan. En outre, depuis 2008, sur une base par habitant, l’itinérance (selon le dernier dénombrement de la population itinérante) a diminué à Calgary de 17%.
- Le Homelessness Management Information System (HMIS) de Calgary est peut- être le plus sophistiqué du genre au Canada. Lorsque Calgary a élaboré son plan, il a décidé de développer également un système de gestion de l’information qui, entre autres choses, pourrait l’aider à en suivre les progrès. En effet — comme je l’ai écrit l’automne dernier — beaucoup d’organisations qui s’occupent des sans-abri de Calgary déposent les informations de leurs clients dans une base de données appelée HMIS. Aujourd’hui, tous les programmes à but non lucratif à Calgary qui reçoivent des fonds de la CHF doivent utiliser le HMIS (c’est stipulé dans leur contrat); et certains organismes non- financés par la CHF l’utilisent volontairement pour certains de leurs programmes.
- Le développement et la mise en œuvre du système HMIS de Calgary ont été guidés par plusieurs comités communautaires. Pendant plusieurs années, un comité consultatif HMIS — composé d’employés des organismes à but non lucratif et de clients du secteur — se réunissait pour vérifier la préoccupation « big brother » crée par l’introduction du système, et pour y répondre. Les représentants des clients — assurés que la police n’aurait pas accès aux dossiers des clients — faisaient partie du processus de prise de décision. Il y avait aussi (et il y a encore) un groupe d’utilisateurs de HMIS, assisté par le personnel, qui utilise le système; ce groupe se réunit sur une base ad hoc pour discuter de questions plus techniques, telles que la mise à jour du système de base de données, les cycles de rapports, et questions analogues. (Ses réunions étaient plus fréquentes dans les premiers jours du système qu’aujourd’hui). Enfin, maintenant que le système est « en marche » depuis un certain temps, la CHF convoque de petits comités sur une base ad hoc pour mieux se guider dans ses initiatives spécifiques.
- Un succès important du HMIS de Calgary a été son apport au système de références aux programmes. Beaucoup (mais pas tous) des sans-abri de Calgary passent par un processus d’admission assuré par le Service Prioritization Decision Assessment Tool (SPDAT). Le SPDAT donne au client « an acuity score » (une note d’acuité), ce qui facilite son entrée dans les programmes de logement financés par la CHF (Les informations recueillies au cours du processus du SPDAT sont déposées dans le HMIS). Dans le cadre des objectifs fixés dans le plan visant à mettre fin à l’itinérance à Calgary, les clients avec la note plus élevée du SPDAT reçoivent souvent prioriorité dans l’attribution des logements financés par CHF. Les comités se réunissent régulièrement afin de recommander les clients qui seront placés dans le nombre limité de logements subventionnés disponibles.[1] Le nom officiel pour l’ensemble de ce processus est Coordinated Access & Assessment (CAA). (Pour en savoir plus sur le système CAA de Calgary, voir ce chapitre de livre récent de Jerilyn Dressler.)
- Certains organismes sans but lucratif ont été heureux de partager leurs données avec la CHF, ce qui n’était pas le cas pour d’autres. Dans mon expérience, avant qu’un organisme à but non lucratif consente à partager ses données volontairement avec la CHF, il tient à savoir pour quoi exactement les données seront utilisées et de quelle façon il pourra bénéficier du partage. Jusqu’ à ce que l’organisme voie comment le partage des données pourra bénéficier son organisation et sa clientèle, il est réticent à partager (à moins qu’il soit conseillé de le faire par son bailleur de fonds). Les organisations telles que la CHF doivent établir confiance avec d’autres organismes sans but lucratif et démontrer comment le partage de données peut être mutuellement bénéfique — plutôt que considérer la réception de données comme un droit.
- Chaque année la CHF décaisse des fonds à des organismes à but non lucratif basés à Calgary; pour surveiller résultats et impact, il les compare par rapport aux indicateurs clefs de performance (ICP). Différents programmes ont des objectifs différents—par exemple, les indicateurs développés pour certains programmes mettent l’accent sur l’efficacité de ces programmes dans la création de situations de logement stables pour leurs locataires. En utilisant les indicateurs, le personnel de la CHF, dans le suivi des progrès de chaque organisme financé, en utilisant les indicateurs, est en mesure de suivre les progrès grâce au système de base de données HMIS. La CHF prend ensuite des décisions annuelles de financement fondées en partie sur la performance de chaque programme financé par rapport aux indicateurs.
- Le système HMIS de Calgary offre un soutien inestimable au système d’évaluation susmentionné. En effet, cela a été l’un des grands succès du système HMIS de Calgary. C’est à travers le système HMIS que les données de « performance du programme » sont recueillies pour les programmes financés par le CHF.
- Un inconvénient des données HMIS est que la plupart de ses données sur les clients est basée sur l’auto-déclaration. Toutefois, il convient de noter que l’information auto-déclarée est recueillie par un gestionnaire de cas expérimenté au cours d’une entrevue en personne. De plus, au Canada, de nombreuses sources de données bien respectées sont également basées sur l’auto-déclaration—celles-ci comprennent l’Enquête sur la population active et le recensement. À l’avenir, les chercheurs de la CHF aimeraient comparer des données du HMIS auto-déclarées avec les données administratives des systèmes de santé et des systèmes de justice, afin de comparer les informations sur le même individu. (Un tel exercice de recherche exigerait évidemment le consentement du client, ainsi que la coopération des autorités de la santé et de la justice.)
- Le principal succès du Plan to End Homelessness à Calgary a été, à mon avis, la galvanization de l’attention publique et l’arrêt de la hausse de l’itinérance. Lorsque le plan original a été développé en 2008, Calgary avait connu une augmentation de 650% des sans-abri en seulement 10 ans. Et, comme il est indiqué ci-dessus, Calgary a connu, depuis la création du plan initial, une baisse de 17% des sans-abri par habitant. Personnellement, je considère ceci un accomplissement très impressionnant; en effet, il y a peu de doute dans mon esprit que c’est en grande partie grâce à ce plan que nombre de gens sont encore vivants. Rétrospectivement, éliminer l’itinérance avant 2018 (tel était l’objectif des cráteurs du plan) était un objectif très ambitieux.
- Mon principal conseil aux dirigeants des organismes sans but lucratif est d’être humble avec les données. Par cela, je veux dire qu’ils ne devraient pas essayer de ‘sur’interpreter les données. L’honnêteté et la prudence veulent qu’on reconnaisse les limites et de ses données et de l’analyse statistique qu’on entreprend en utilisant ces données. On doit également être franc quant aux hypothèses qu’on fait dans les projections à long terme. En cas de doute, on doit demander conseil à des chercheurs plus expérimentés. Bien qu’il puisse être tentant d’exagérer parfois ses connaissances et son aptitude à faire des prévisions, il faut se rappeler que cela va retourner sur son auteur, ou — comment dissent les Anglais — “ chickens eventually come home to roost ”. Et, cela dit, je rappelle aux lecteurs du blog ce que le regretté John Kenneth Galbraith a dit à propos des prévisions économiques: «Il y a deux sortes de prévisionnistes: ceux qui ne savent pas, et ceux qui ne savent pas qu’ils ne savent pas.”
[1] Malgré son utilisation sophistiquée des données, Calgary a encore beaucoup plus de sans-abri qu’elle a unités de logement subventionné disponibles. Ainsi, à cause du manque de logements abordables, des personnes sans domicile attendent parfois des années avant de recevoir un logement; d’autres meurent avant. C’est une grande raison pour laquelle la CHF souscrit à cette récente déclaration; elle continue de faire pression sur tous les niveaux de gouvernement pour plus de fonds.
Nick Falvo est Director of Research & Data à la Calgary Homeless Foundation. Son domaine de recherche est la politique sociale, avec accent sur la pauvreté, le logement, l’itinérance et l’aide sociale. Nick a un doctorat en politique publique de l’Université Carleton. Parfaitement bilingue, il est membre du comité de rédaction de la Canadian Review of Social Policy / Revue canadienne de politique sociale. Contactez-le au nick@calgaryhomeless.com. Suivez-‐le sur Twitter: @nicholas_falvo.”
Version Anglaise: Using Data to End Homelessness in Calgary
–
Les personnes suivantes m’ont aidé à préparer le présent blogue: Britany Ardelli, Janice Chan, Francesco Falvo, Louise Gallagher, Darcy Halber, Chantal Hansen, Ron Kneebone, Ali Jadidzadeh, Jennifer Legate, Kevin McNichol, Natalie Noble, John Rowland et Kelsey Shea. Toutes les erreurs sont les miennes.
Trackbacks & Pingbacks
[…] devraient avoir accès prioritairement au nombre limité de logements subventionnés disponibles.[*] Ce processus est appelé Coordinated Access & Assessment (CAA). (Pour en savoir plus sur le […]
Comments are closed.